Les Belges unis derrière les Diables Rouges

Article : Les Belges unis derrière les Diables Rouges
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6 juillet 2018

Les Belges unis derrière les Diables Rouges

Alors que d’importantes élections se tiendront dans quatre mois en Belgique, l’équipe nationale a défié les pronostics en se qualifiant pour les quarts de finale du Mondial en Russie. Une réussite qui unit les Belges derrière les Diables Rouges.

Ce billet a été publié par mariegrs.mondoblog.org.

Il est 19h30 ce lundi 3 juillet et le Big Game est déjà bondé. La Belgique joue à 20h en huitième de finale contre le Japon et le bar situé en plein centre de Bruxelles est un endroit bien connu des supporters des Diables Rouges. L’équipe nationale tente d’accéder aux quarts de finale du mondial pour la troisième fois de son histoire. À l’intérieur, des dizaines d’écrans retransmettent simultanément le match en anglais, afin que supporters néerlandophones et francophones comprennent.

À l’entrée des Diables sur le terrain l’ambiance s’échauffe. Les bières coulent à flot, les drapeaux noir, jaune, rouge s’agitent et la Brabançonne (l’hymne national) résonne. Rosana vient souvent voir les matches ici. Elle porte fièrement le maillot des Diables et, à l’oreille, un piercing aux couleurs de son pays. « L’ambiance est sympa ici, il y a plein de bars dans le coin donc les gens vont faire la fête après les matchs. » Rosana se définit comme Belge plutôt que Wallonne. Aujourd’hui, elle a invité son amie Dominique, qui a plutôt l’habitude d’aller regarder les matches dans sa commune, à Saint-Gilles. Les deux jeunes femmes affirment que la Coupe du Monde a uni les Belges.

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Les supporters des Diables Rouges regardent Belgique – Japon au « Big Game », à Bruxelles. Crédit photo : Marie Genries

« J’ai rarement vu autant de drapeaux belges aux fenêtres »

C’est aussi l’avis de Jean-Michel de Waele, professeur de science politique à l’Université libre de Bruxelles et sociologue du sport. Pour lui, la coupe du monde est l’occasion pour les Belges de retrouver un sentiment d’unité nationale. « Les Belges n’ont pas ce sentiment de chauvinisme que peuvent avoir les Français ou les Allemands, ils ne sont pas particulièrement fiers d’être belges. Mais le foot est un moyen de se rassembler, de retrouver ce sentiment. » Même lorsque les Diables Rouges ont affronté le Brésil en huitième de finale de la coupe du monde 2002 et le Pays de Galles en quart de finale de l’Euro 2016, il n’a jamais ressenti une telle effervescence nationale. « J’ai rarement vu autant de drapeaux belges aux fenêtres. Ma fille a appris la Brabançonne, alors que nos parents ne l’ont jamais connue. »

Le sport est également un moyen d’échapper un temps aux tensions qui traversent le pays, où se dérouleront en novembre les élections communales puis en 2019 les élections fédérales. Des scrutins marqués par la montée du parti indépendantiste flamand NVA (Alliance néo-flamande). « Le gouvernement ne contrôle plus rien et les gens ont l’impression que rien ne va », explique Jean-Michel de Waele, « mais on reste un peuple de fêtards et la coupe du monde le prouve. »

« Flamands et Wallons restent entre eux »

En effet, à l’intérieur du Big Game l’ambiance bat son plein à la mi-temps (0-0). Daniel, supporter néerlandophone des Diables, a amené ses tambours. Perché sur un tabouret il bat la mesure, déclenchant un cri commun « Belgium ! Belgium ! Belgium ! ». Pour lui « plus on ira, loin dans la compétition plus l’unité sera forte ».

Malgré cette entente apparente, les tensions entre les communautés subsistent. « Moi je me mélange pas trop avec les Flamands », affirme Rosana. D’ailleurs, elle ne parle pas néerlandais. Pour Jean-Michel de Waele, cette unité est temporaire : « en réalité, les supporters flamands et wallons restent entre eux ». C’est particulièrement vrai en dehors de Bruxelles, capitale hétéroclite. Le sport ne doit pas masquer la réalité politique : « en Flandres, vous pouvez très bien voir une affiche des Diables Rouges sur la devanture d’un magasin et à côté un tract du parti indépendantiste NVA. »

Tous l’affirment : même si la Belgique gagne la coupe du monde (certains pronostics le prédisent), le résultat n’aura que peu d’influence sur les élections à venir, qui devraient voir encore monter les indépendantismes flamands. « Quand l’équipe nationale joue, il n’y a pas de problème, explique Daniel, mais pendant les championnats de Belgique (où clubs flamands et wallons s’affrontent) les tensions entre communautés se font sentir. »

22h, le match se termine sur une victoire 3-2 des Diables et la fin d’un moment d’angoisse après deux buts marqués par les Japonais en moins de 10 minutes. Devant la Bourse de Bruxelles, la musique tonne, les gens dansent. La Brabançonne, chantée en français, est suivie de l’ultra-connu « Waar is da feestje? Hier is da feestje! » : « Où est la fête ? C’est ici la fête ». Comme les autres, Rosana fête la victoire de son équipe entre amies « Les gens sont unis pendant les matches mais ensuite, c’est chacun pour soi. »

Ce soir, les Diables Rouges rassembleront à nouveau leurs supporters le temps d’un quart de finale contre le Brésil. Ils tenteront d’accéder au dernier carré d’un Mondial pour la deuxième fois de leur histoire, et prolonger l’unité du ballon rond.

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