Stéphane Huët

Rambo Snack, comptoir du foot de l’ile Maurice

Cette Coupe du monde de foot 2018 réserve bien des surprises. Comme pour les matchs, les conversations les plus passionnantes sur le tournoi sont là où on les attend le moins. Après les poncifs entre collègues et blagues habituelles entre copains, j’ai eu l’occasion de m’aérer l’esprit footballistique avec Vinoola, la cuisinière potelée d’une gargote où je vais déjeuner en semaine.

Ce billet a été publié par fanuet.mondoblog.org

[Toutes les conversations relatées dans ce billet se sont tenues en créole mauricien. Mais pour éviter des interminables notes de bas de page, je les ai toutes traduites en français, en y ajoutant quelques-uns de nos mauricianismes pour garder la touche locale].

Comme souvent, ce mercredi 4 juillet, je vais à quelques pas de mon bureau pour déjeuner. Il n’y a pas grand-chose à Cassis, mais je connais deux endroits qui servent d’excellents caris mauriciens. Je m’arrête à ma première gargote favorite, Ménagerie Snack, mais Anita n’a pas de riz aujourd’hui et ses rotis froids ne me donnent pas envie. Alors je continue jusqu’à ma seconde gargote préférée, juste à côté : Rambo Snack.

Vinoola devant sa gargote, Rambo Snack

C’est ici que je mange les meilleurs halims. Tous les jours, Vinoola et son mari Roshan changent le menu. C’est toujours des « manze lakaz »[1] huilés, épicés et pimentés – exactement comme je les aime.

Aujourd’hui, quand je rentre dans ce minuscule couloir de 6 m2 qui sert de salle à manger, la cuisinière est en train de discuter sur la route. Un monsieur assis près de la porte lui marmonne « il y a un client ». Je m’assois sur un tabouret en formica rouge en faisant semblant d’hésiter entre les deux plats du jour mentionnés sur l’ardoise Coca-Cola à l’entrée. Vindaye ourite ou Gésier de poulet ?

À la radio branchée sur Radio Plus, après le flash info en créole, l’émission First Love First Word débute avec la chanson Koi Mil Gaya du film bollywoodien Kuch Kuch Hota Hai. Ces voix stridentes de chanteuses indiennes facilitent toujours le transit. Vinoola arrive enfin, navrée de m’avoir fait patienter. « Sorry, je faisais un brin de causette et je vous ai oublié ». Je souris et avant même que je lui passe ma commande, elle vérifie : « vindaye ourite ? » Mon sourire s’élargit en signe d’approbation. J’adore avoir mes habitudes dans ce genre d’endroits.

Les coudes posés sur la table de 50 cm de large, j’attends mon plat en regardant le vide par la fenêtre sans vitre. Mes pensées sont interrompues quand un homme, souillé de taches de peinture et muni d’un riflard, apparaît avec entrain. Il harangue l’homme assis près de la porte : « Alors, tu as regardé le foot hier ? » Vinoola tourne la tête et s’apprête à répondre avant de réaliser que la question ne lui était pas adressée. « Je suis allé dormir avant les prolongations, ta, répond l’autre. C’est emmerdant, les Anglais auraient pu gagner pendant les 90 minutes. » Les deux analysent ce Colombie-Angleterre avec des banalités qui feraient passer les gars de BFM Sport pour des experts. Par les regards que jette Vinoola par-dessus son épaule en direction des hommes, je sens qu’elle a envie d’intervenir.

Alors qu’elle fait les deux pas suffisants entre sa gazinière et la salle à manger pour me tendre mon assiette fumante qui sent bon la graine de moutarde, la maîtresse de maison s’impose dans la conversation avec sa voix de soprano qui traîne sur chaque mot. « J’avais dit à mon mari de parier sur les tirs au but. Mais non. Il était trop confiant que son équipe allait gagner 2-0 après 90 minutes. » Vinoola nous raconte que Roshan aussi s’est endormi avant la fin du match et ce matin, il était agacé d’avoir raté le direct. « Et là, personne ne l’a encore taquiné sur le fait que Henderson a manqué un tir au but ! », s’amuse-t-elle. Car tous les habitués de Rambo Snack ont déjà remarqué le blason de Liverpool FC sur un autre panneau affichant tous les plats servis à la gargote.

Tous les plats servis à Rambo Snack. Appétissant, non ?

J’écoute ces trois passionnés de foot qui énumèrent les fautes non sifflées pendant le match de la veille et, forcément, ça parle de la VAR, l’aide vidéo à l’arbitrage. Les hommes sont contre, mais Vinoola insiste qu’on aurait dû l’avoir instaurée depuis longtemps. « Hey, d’ailleurs, vous avez vu qu’il y a des drones maintenant ? », demande le peintre en dévoilant fièrement son sourire sans dent. « Mais quel drone ? Tu n’as pas vu que c’est tenu par des câbles !? », s’impatiente Vinoola. Elle tourne la tête vers moi avec air dépassé : « Je suis incollable au foot. J’ai toujours aimé ça. Je comprends mieux le foot que mon grand frère. Quand j’étais petite, je suivais le championnat local et mon papa m’emmenait voir les matchs au stade. »

Et puisqu’elle est lancée, Vinoola évoque le Japon-Belgique de lundi soir. « Le plus beau match de la Coupe du monde », m’assure-t-elle avant de livrer son analyse : Lukaku a eu une baisse de forme, Hazard raye[2] trop, Courtois s’est ressaisi dans les dernières minutes, Honda sera probablement à nouveau convoité par un club européen. « J’ai été mari[3] impressionnée par les deux équipes. La Belgique méritait, mais j’étais triste pour les Japonais ». Tout au long de son récit, Vinoola vérifie les statistiques sur un application foot de son iPhone 8. Elle enchaîne les mots avec la même lenteur. Mais je reste absorbé par sa démonstration. Elle utilise des mots simples et arrive parfois naïvement à des déductions qui démontrent une compréhension passionnée du football.

Délaissant les deux autres clients, elle m’énumère tous les matchs pour lesquels elle avait fait le bon pronostic. Elle aurait même conseillé Gilbert Bayaram, une ancienne gloire du foot mauricien et habitué de Rambo Snack. « Il est fan de l’équipe de France, mais pensait qu’elle allait être éliminée contre l’Argentine. Je lui avais pourtant assuré qu’elle allait passer. Lundi il est venu pour me dire que ma bouche est bénie[4]. Vous voyez ? » Je vois tellement que je me permets la question facile pour tester les prédictions de Vinoola : qui va gagner la Coupe du monde 2018 ? « Mais vous ne voyez pas la magouille de ce tournoi ? C’est la Russie qui va gagner. Comment ils peuvent battre l’Espagne ? C’est Poutine qui fait pression. » Elle me fait penser à Rajiv.

Bon, je laisse le pragmatisme complotiste sur la touche et demande à Vinoola quelle équipe elle soutient. « Moi… ? elle met quatre longues secondes de suspense avant de me répondre. Je suis pour Maurice ». Et bien, si on veut les voir gagner de notre vivant, il faudra de sacrées magouilles de notre Premier ministre, Pravind Jugnauth.

[1] Des plats comme à la maison.
[2] À Maurice, on dit « rayer » pour « dribbler ».
[3] On utilise le mot « mari » comme adverbe signifiant « extrêmement ».
[4] Traduction littérale de l’expression créole « labous beni ». À Maurice, quelqu’un a une bouche bénie quand ses prophéties se réalisent.


Coupe du monde : notre compil pour dire au revoir aux équipes africaines

Comme j’adore faire des compilations sur tout et n’importe quoi, et parce que je suis sincèrement triste de voir toutes les équipes africaines sorties dès la phase de poule de la coupe du monde 2018, j’ai rassemblé des musiques d’Afrique qui ont un rapport avec le foot. Mettez vos écouteurs, cliquez sur « Play ». Je vous parle de huit chansons aussi palpitantes que le ballon rond.

Ce billet a été publié par fanuet.mondoblog.org.

Peu de choses bouleversent autant que la musique et le football. Dans une fosse devant une scène, je vibre comme nulle part ailleurs. Dans un stade ou même devant une télé dans un bar, je passe par toutes les émotions. Je pleure devant les films, mais mes plus grosses larmes sont provoquées par un parfait enchaînement de mélodie et mes plus belles émotions ont été vécues devant des matchs de la Ligue des Champions.

Depuis que j’ai l’âge de comprendre le foot, j’ai toujours associé ce sport à la musique. Déjà avec Manchester United, le Glory Glory Man United chanté sur l’air de Glory, Glory, Hallelujah me faisait dodelinait dans ma poussette (oui, j’ai une excellente mémoire). À 10 ans, Three Lions chanté par Lightning Seeds pour l’Euro 96 en Angleterre m’avait donné d’incroyables frissons.

1. Pik so orite – Windblows

S’il ne devait y avoir qu’une chanson associée au foot, pour moi ce serait celle-ci. Pik so orite a été composé par Windblows en soutien au club de foot mauricien Fire Brigade SC. C’était dans les années 80, à une époque où le foot local avait une place importante dans le cœur des Mauriciens. Ce séga typique continue de raisonner dans toutes les occasions : mariage, anniversaire, pique-nique sur la plage et à chaque fois qu’on a envie d’encourager une équipe de foot, même si le Fire Brigade SC n’existe plus.

2. Gervinho – Kobla & Nouchi Gang

Oui, c’est bien en hommage à celui qui a été un superbe joueur entre 2009 et 2016, Gervais Lombe Yao Kouassi. C’est en 2017 que Kobla & Nouchi Gang sortent cette chanson qui fait référence aux talents de buteur ivoirien. Mais depuis qu’il parti jouer au Hebei China Fortuna en 2016, Gervinho fait un peu moins rêver.

3. Soccer Fan – The Real Sounds

The Real Sounds est un groupe composé de Congolais installés au Zimbabwe. Ces 11 musiciens, dignes représentants du soukous, sont de réels fans de foot. En 1987, à l’occasion du match de gala England Football League VS Rest of the World qui s’est joué à Wembley, ils composent le single Soccer Fan. Cette chanson avec des paroles ultrabasiques sur l’amour pour le foot est devenue le générique de l’émission footballistique sur BBC Radio 5, World Football Phone-in, animée par l’excellent Dotun Adebayo. The Real Sounds a aussi composé Dynamos Versus Caps qui parle du derby entre deux grandes équipes de football au Zimbabwe.

 

4. Hola Hola – Toofan

La Coupe d’Afrique des nations est une belle fête. Moins médiatisée que la Coupe d’Europe, c’est néanmoins le moment où les clubs européens vont découvrir les talents pour leur prochain mercato. À chaque édition, les Mauriciens se disent « et merde, on n’arrive même pas à y être ». Et ça dure depuis la dernière (et seule) participation de Maurice à la CAN en 1974. Pour la CAN 2015 en Guinée équatoriale, plusieurs artistes du continent s’étaient réunis pour chanter l’hymne officiel composé par le duo togolais Toofan, Hola Hola. Un titre qui donne envie de bouger la tête de gauche à droite en caressant le ciel comme des Bisounours pour dire « on est tous fous de foot ».

5. Tann dir goal! – Phoenix Supporters Club

La célèbre brasserie Phoenix de l’île Maurice a réuni quelques artistes pour montrer comment on célèbre le Mondial à la sauce mauricienne. On y retrouve le talentueux chanteur batteur mauricien Jason Heerah qui s’était fait remarquer au X Factor Australia en 2014. Au début du clip un peu niais qui suggère que le foot rassemble tous les Mauriciens, on entend des expressions footballistiques typiquement mauriciennes : un régal. Sur le rythme de notre séga national, Tann dir goal! met une sacrée ambiance. Reste à savoir si tout le monde sera d’aussi bonne humeur le 15 juillet.

6. Africa Soccer Fever – Rocky Dawuni

En 2010, Rocky Dawuni sortait l’album Hymns for the Rebel Soul. Cette même année se déroulait la première coupe du monde de foot sur le continent africain. Le reggae man ghanéen décroche un contrat avec EA Sports, éditeur du jeu vidéo 2010 FIFA World Cup South Africa, pour adapter sa chanson African Reggae Fever en African Soccer Fever. Même composition joyeuse, mais les paroles changent pour célébrer « le dynamisme culturel de la première Coupe du monde en Afrique ». Par exemple, « Jah Jah give us power to cross every border » devient « Soccer give us power to cross every border ». Tout est dit.

7. Baba – Ismaël Isaac

Parmi les films qui m’ont ému, il y a eu Le Ballon d’or de Cheik Doukouré, sorti en 1994. Même si c’est un peu loin dans mes souvenirs, je me rappelle avoir été touché par l’histoire de ce gamin de Guinée qui va réussir dans le foot. On en avait parlé pendant plusieurs jours à l’école primaire après la diffusion à la télévision nationale. Et dans ce film, j’aime particulièrement la chanson Baba du reggae man ivoirien, Ismaël Isaac.

8. Zangaléwa – Golden Sounds

Rien à voir avec le foot. Enfin, presque pas. Il fallait rendre justice au groupe camerounais Golden Sounds. Contrairement à ce qu’a pu dire Shakira, la mélodie de Waka Waka – hymne officiel de la coupe du monde 2010 en Afrique qu’elle chantait avec le groupe sud africain Freshlyground – ne lui est pas entrée dans la tête comme une révélation divine. Pas besoin d’être musicologue pour remarquer que Waka Waka s’inspire énormément de Zangaléwa. Sortie en 1986, cette chanson avait été écrite et composée par un groupe de gendarmes camerounais, Golden Sounds. N’empêche, grâce à aux trémolos plagieurs de la chanteuse colombienne, Zangaléwa a pu être connu du grand public.


Le top 7 des collègues qui ont un avis sur le foot

Hashim déteste le foot, à la pause déjeuner, il pose des questions à côté de la plaque juste pour nous emmerder. Il nous demande notre avis sur l’équipe d’Italie qui n’est pas qualifiée et sur les choix tactiques de Roger Lemerre. Quand à Jean-Claude, je ne savais pas qu’il aimait le foot, il n’avait jamais donné son avis dans l’éternel débat « CR7 ou Messi ».

Cet article a initialement été publié sur fanuet.mondoblog.org.

En 2010, je regardais le bus français de Knysna depuis la Réunion. Coupe d’Europe 2012, je sirotais la THB tiède de Nosy Be quand l’Espagne humiliait l’Italie en finale. En 2014, le Hot Lemon/Honey with Ginger me permettait de tenir les énormes décalages horaires entre le Brésil et le Népal (et l’élimination lamentable des Anglais). C’est la première Coupe du monde que je regarde à l’île Maurice depuis 2002. J’avais oublié les perles des supporteurs, bien de chez nous, qui surviennent tous les quatre ans. Les meilleures s’entendent au bureau.

L’expert surprise

Je ne savais pas que Jean-Claude aimait le foot. Il n’avait jamais donné son avis dans l’éternel débat « CR7 ou Messi ». Il n’avait jamais réagi aux provocations entre fans de Manchester United et de Liverpool. Mais depuis que la Coupe du monde a commencé, il a une explication sur tous les détails de la compétition – comme ceux qui s’intéressent subitement au cyclisme pendant le Tour de France. Jean-Claude sait parfaitement quand Héctor Cúper va faire entrer Mo Salah contre la Russie ce soir. Il a une explication rationnelle au penalty manqué par Messi. Il connaît le coiffeur de Neymar. Depuis la défaite de l’Allemagne face aux Mexique, Jean-Claude se fait l’écho de Facebook : « La France en 2002. L’Italie en 2010. L’Espagne en 2014… Gete ki mo dir twa, Lalmagn pe gegn beze sa lane-la. »[1] Il fait des analyses bancales, typiques de ceux qui regardent le foot tous les quatre ans. Il agace parce qu’il répète les phrases toutes faites des « consultants » à la radio. Mais là où il est le plus énervant, c’est qu’il est le champion des pronostics.

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Le complotiste acharné

Tout est sujet à polémique. « Tu as remarqué que les pays arabes et musulmans sont rassemblés dans les mêmes groupes ? L’Égypte avec l’Arabie Saoudite et le Maroc avec l’Iran. » Bon, Rajiv, tu oublies la Tunisie qui est avec l’Angleterre, la Belgique et le Panama. « Oui, non, mais… » Pour lui, la FIFA est la pire institution du monde. Il sait qu’elle a le pouvoir de truquer les tirages au sort – et elle le fait. Il cite les récentes déclarations de Platini pour preuve. Rajiv regarde tous les matchs pour mieux déceler la corruption et les complots qui s’y cachent. Il pense très sérieusement que si la Russie a mis cinq pions au match d’ouverture, « c’est parce que Poutine fait pression sur le prince Mohammed Ben Salmane. » Sa plus belle découverte a été lors du match Portugal-Espagne. « Les trois premiers buts aux 4e, 24e et 44e minutes. Et les deux derniers, 58e et 88e. Quatre… et huit ! Tu ne vois rien de bizarre ? » Je ne lui ai pas demandé comment il expliquait le but de Costa à la 55e. Il aurait découvert que je fais partie du complot.

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Le fan de tout

L’île Maurice n’a encore jamais eu l’occasion de prouver son talent footballistique dans la compétition suprême. Alors nous avons eu l’habitude de choisir une nation à soutenir pendant les compétitions internationales. L’Angleterre parce que nous sommes des mordus de la Premier League – plus que notre Barclays Mauritius Premier League. La France par affinité culturelle. Mais à Maurice, on retrouve surtout des fans du Brésil, de l’Argentine, de l’Allemagne ou de l’Italie parce que ce sont des grandes nations du foot qui ont déjà fait rêver. Devant ce choix de 32 équipes, les Mauriciens peuvent être indécis. Certains ne se mouillent pas trop jusqu’au résultat. Comme Ritesh qui a été fan de l’Allemagne après la demi-finale mémorable de 2014. Vendredi 15 juin, il assure : « je savais que la Russie allait gagner. » Depuis ce dimanche, il cherche un maillot du Mexique comme un fou. Et depuis ce mardi 19 juin, il est plus Belge que Brel. Ce n’est que quand je lui demande franchement quel pays il soutient qu’il avoue en marmonnant : « je suis pour l’équipe qui gagne. »

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Le troll magnifique

Hashim déteste le foot. Depuis le début de la Coupe du monde 2018, il traîne entre les bureaux du plateau pour commenter les conversations sur le foot. J’adore quand il dit « C’est con, hein. Vous stressez pour un pays qui n’est pas le vôtre et pour des joueurs qui ne sauraient même pas situer Maurice sur la mappemonde. » À la pause déjeuner, il pose des questions à côté de la plaque juste pour nous emmerder. Il nous demande notre avis sur l’équipe d’Italie qui n’est pas qualifiée et sur les choix tactiques de Roger Lemerre. Parfois je me dis que si Hashim est capable de détourner si bien les conversations sur le foot, c’est qu’il doit s’y connaître quand même un peu.

Le mauvais perdant

« Ne me parle », m’a dit Olivier le lendemain de la défaite de l’Allemagne contre le Mexique. J’ai vu qu’il contenait sa colère et sa frustration. Mais quand Hashim a commencé à le brancher, il a explosé. Quoiqu’on dise, il trouve toutes les bonnes excuses pour justifier la défaite non méritée de son équipe. Ce dimanche 17 juin, c’était l’arbitrage, évidemment. Et de toute façon, il « déteste l’équipe de France ! Et les Anglais sont des gogots ! » Argument imparable. Le débat est clos.

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Le militant tiraillé

Difficile d’aimer le foot quand on est un altermondialiste. En 2010 déjà, Fayaz avait suivi la Coupe du monde en Afrique du Sud à contrecœur parce que « les townships avaient été nettoyées ». Il avait rejeté le Mondial 2014 au Brésil car, là aussi, les organisateurs avaient viré les pauvres des favelas. Mais son boycott avait duré deux jours. Cette année, cet ami des bêtes est outré que certaines municipalités russes éradiquent les chiens errants autour des stades. Alors il regarde la Coupe du monde de Russie d’un œil. À chaque fois qu’on commence à parler du match de la veille, son visage s’éclaire deux secondes avant de fustiger le capitalisme. Mais en 2022, c’est sûr, Fayaz ne cautionnera pas la mort de centaines d’ouvriers d’Asie du sud sur les chantiers des stades au Qatar.

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Le tacticien philosophe

Simon ne s’exprime pas que pour la Coupe du monde. Il est plutôt volubile sur tous les sujets du monde. Du genre à regarder mon écran par-dessus l’épaule pour commencer une conversation, quand il voit que je lis les notes de joueurs sur sofoot.com, il s’arrête pour me parler des matchs de la veille. Quand il pousse sa mèche avant de poser les mains sur ses hanches, je sais que j’en ai pour un grand oral d’au moins 10 minutes. Statistiques, thèse, antithèse, synthèse, anecdotes des années 80, il est incollable. Il s’impatiente en parlant des mauvais choix tactiques d’un sélectionneur. J’en arrive à me demander pourquoi Le Graët ne l’a pas embauché pour encadrer des Bleus. Simon plisse les yeux quand il raconte un geste, fait de grands gestes avec les bras pour signifier toute la grâce du foot et il sait mettre le bon rythme pour capter son audience (moi). Le plus beau, c’est quand il décrypte un dribble d’Eden Hazard par une analyse géopolitique. On dirait Pascal Boniface.

[1] Ecoute bien ce que je te dis : l’Allemagne se fera sortir cette année.